Now Guardian prevented from reporting parliament for unreportable reasons. Did John Wilkes live in vain? » arusbridger, Twitter, 12 octobre 2009, 21:15 BST
Le 26 mars 2007, une cargaison d’hydrocarbures (coker naphta) est chargée sur le M/T Seapurha, à Brownsville au Texas.[1] Le 11 avril suivant, elle est transférée sur le Probo Koala, un navire à l’équipage russe, battant pavillon panaméen, exploité par une société grecque et affrété par une multinationale suisse de courtage pétrolier et d’affrètement maritime, Trafigura. L’opération qui a lieu en haute mer, quelque part dans l’océan atlantique, est répétée à deux reprises, le 7 mai et le 1er juin. Au total, ce sont 28,000 tonnes d’hydrocarbures qui auront été ainsi transférées puis raffinées en mer au moyen de la soude caustique et de l’ARI-100 EXL, nom de code du sulphonate phthalocyanine de cobalt, un catalyseur utilisé dans les raffineries. A la fin du mois de juin, le Probo Koala décharge la cargaison ainsi obtenue à Algeciras, en Espagne, avant de faire route vers les Pays-Bas.
Le 2 juillet, le Probo Koala accoste au quai d'Afrique du port d'Amsterdam et engage l’Amsterdam Port Services (APS) pour la débarrasser des déchets issus du raffinement en mer, mais une puanteur inhabituelle, probablement due à la présence de sulfure d’hydrogène (H2S), fait intervenir les autorités qui exigent leur retraitement. Ces derniers déchets, repompés par le Probo Koala laisse le port d'Amsterdam le 5 juillet. Quatre jours plus tard, il arrive en Estonie et y charge de l'essence destinée au Nigeria.
Le 12 juillet, le nigérian Salomon Ugborugbo crée la société Tommy et obtient du ministre des transports ivoirien un agrément d' « avitailleur ». Le 13, le Probo Koala repart pour le Nigeria. Le 1er août, après deux escales aux îles Canaries et à Lomé (Togo), le Probo-Koala atteint Lagos (Nigeria) où il livre une cargaison de pétrole. Après une nouvelle et vaine tentative de vidange, le navire repart pour la Côte d'Ivoire. Le 9, la société Tommy est agréée pour le traitement de produits toxiques, en dépit du fait qu'elle n'en a ni les moyens ni les compétences.
Le 17 juillet, à Abidjan, la Puma Energy, filiale de Trafigura, prend contact avec la société de fret Waibs qui lui aurait conseillé de faire affaire avec la société Tommy. Le lendemain, Salomon Ugborugbo s'engage à déverser les déchets chimiques à 35 dollars le mètre cube, soit un prix 21 fois moins cher qu'à Amsterdam. Le 19, Le Probo Koala accoste au port d'Abidjan et est reçu sur le quai par les « corps habillés ». La société Tommy commence l'épandage des produits toxiques dans la ville et la population d'Abidjan à souffrir de symptômes inconnus. Durant deux jours, ce sont 528 tonnes de déchets qui sont ainsi épandus, sans précaution aucune, dans plusieurs points, pour la plupart habités, autour de la ville.
Le 21 juillet, le Centre antipollution (Ciapol) ivoirien constate une forte concentration de sulfure d’hydrogène (H2S), un gaz potentiellement mortel, et demande l'immobilisation du Probo Koala qui quitte pourtant le port d'Abidjan sans être inquiété. Le 25, la population d'Abidjan apprend la cause des symptômes dont elle souffre. Le 30, le directeur Afrique de Trafigura, Jean-Pierre Valentini, est dépêché à Abidjan pour « aider les autorités dans leur enquête ». Le six septembre, le premier ministre ivoirien Charles Konan Banny démissionne avec l'ensemble de son gouvernement, coupable selon lui de « négligences » dans l'affaire. Le lendemain, Mark Aspinall, de Trafigura à Londres commande un rapport d'expertise du cabinet Minton, Treharne & Davies Ltd. Ce rapport, remis à la compagnie, le 14 septembre 2006, sera publié exactement trois ans plus tard par WikiLeaks. Il sera au cœur de ce qui deviendra sur le Réseau et ailleurs, l’ « Affaire Trafigura ».
Cette seconde partie s’intéresse à l’Affaire Trafigura, du premier tweet d’Alan Rusbridger (arusbridger), éditeur du Guardian, à la levée de la super-injonction interdisant au journal britannique de parler de l’accord entre la multinationale suisse et les victimes ivoiriennes du Probo Koala et les mouvements qu’elle a suscités contre une pratique judiciaire donnant lieu à des situations proprement kafkaïennes. Elle interroge surtout l’utilisation qui a été faite du rapport comme pièce à conviction, non pas pour prouver la responsabilité de Trafigura dans la catastrophe – un fait qu’elle a toujours nié et continue de nier – mais pour accuser Carter Ruck, la firme d’avocats représentant la multinationale d’avoir cherché à bâillonner la presse et le Parlement anglais. Nous utiliserons le concept dramatisation du mal de Tannenbaum (1938), pour identifier les potentiels et mettre en lumière les limites de l’interactivité subversive. La dernière section pose la question du passage de l’entreprise morale au contrôle social et s’intéresse à la nature du changement ainsi provoqué.
[1] Cette information et celles qui suivent sont tirées du rapport Minton, publié par WikiLeaks le 14 septembre 2009 (disponible sous format PDF au http://file.wikileaks.org/file/waterson-toxicwaste-ivorycoast-é2009.pdf), de données obtenues de Greenpeace France, de l’association Sherpa et d’articles de journaux.
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